« Puisque
le premier but de la poësie & de la peinture est de nous toucher, les
poèmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu’ils nous
émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être
excellent a tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point &
qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve pas à reprendre
des fautes contre les règles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il
y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les
regles peut estre un ouvrage excellente.
[…]
« Monsieur
[Boileau] Des préaux se fonde sur
cette raison pour avancer que la plûpart des Critiques de profession qui supléent
par la connoissance des règles à la finesse du sentiment qui leur manque bien souvent,
ne jugent pas aussi sainement du merite des ouvrages excellents que les esprits
du premier ordre en jugent sans avoir étudié les regles autant que les
premiers.
[…]
« L’Amour tyranique de Scuderi est demeuré
au nombre des mauvaises pièces malgré la Dissertation de Sarrazin. Tous les
raisonnements des Critiques ne sçauroient persuader qu'un ouvrage plaise
lorsqu'on sent qu'il ne plaist pas, comme ils ne peuvent faire acroire que l'ouvrage
qui interesse, n'interesse pas. »
Abbé Jean-Baptiste Du Bos (1670-1742), Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, 1719
Tableau de Gérard de Lairesse (1641-1711), Allégorie des cinq sens (1668), Glasgow Museum
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