2/23/2014

criticavit abbé Du Bos (Jean-Baptiste), 1719



« Puisque le premier but de la poësie & de la peinture est de nous toucher, les poèmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu’ils nous émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être excellent a tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point & qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve pas à reprendre des fautes contre les règles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut estre un ouvrage excellente.

[…]

« Monsieur [Boileau] Des préaux se fonde sur cette raison pour avancer que la plûpart des Critiques de profession qui supléent par la connoissance des règles à la finesse du sentiment qui leur manque bien souvent, ne jugent pas aussi sainement du merite des ouvrages excellents que les esprits du premier ordre en jugent sans avoir étudié les regles autant que les premiers.

[…]

« L’Amour tyranique de Scuderi est demeuré au nombre des mauvaises pièces malgré la Dissertation de Sarrazin. Tous les raisonnements des Critiques ne sçauroient persuader qu'un ouvrage plaise lorsqu'on sent qu'il ne plaist pas, comme ils ne peuvent faire acroire que l'ouvrage qui interesse, n'interesse pas. »

Abbé Jean-Baptiste Du Bos (1670-1742), Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, 1719

Tableau de Gérard de Lairesse (1641-1711), Allégorie des cinq sens (1668), Glasgow Museum

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