2/27/2014

Critique d’art et/ou promotion culturelle ? par Matthieu Béra, 2003

extrait :


"A côté de ces témoignages, qui, répétons-le, pourraient être multipliés à l’envi, il est important de signaler le développement d’un phénomène parallèle : la critique semble décliner en tant que forme journalistique spécifique. On en voudra pour preuves la multiplication des guides et des agendas culturels qui s’enkystent dans les supports d’information générale : Le Monde et son guide « Aden », Libération et son supplément « Sortir », etc. Les « critiques » s’apparentent de plus en plus à des propositions d’occupation de loisirs « cultivés », souvent « téléguidées » par les annonceurs ou les attachés de presse. Les numéros spéciaux des revues ou des hebdomadaires (Télérama s’en est fait une spécialité) qui accompagnent des événements culturels des grandes institutions se développent de manière systématique depuis les années 1980. Chacun y a intérêt. La logique des médias y rejoint celle des institutions : vendre et faire vendre, par des techniques de consécration croisée, avec tous les problèmes que cela peut poser au plan de la capacité à critiquer les événements :

La troisième source de revenus (avec les annonceurs et les lecteurs) c’est quand même les produits dérivés des journaux d’art et les structures muséales qui permettent ou pas la réalisation de ces choses. Il est quand même difficile pour le musée d’Orsay, pour Beaubourg, pour le Louvre ou pour la RMN [Réunion des musées nationaux] ou le Grand Palais d’accepter d’être éreinté dans tous les numéros par un journal qui va faire, d’un autre côté, des produits dérivés de ces mêmes expositions et qui va gagner de l’argent avec ça. C’est quand même très compliqué à manager […] Quand vous faites un hors série sur une exposition qui est vendue au Grand Palais et que dans le même numéro, au même moment, vous publiez des critiques sur ladite exposition, il y a un moment donné où il y a une logique intellectuelle... Alors qu’est-ce que vous faites ? Vous ne critiquez pas […] C’est donc un peu compliqué parce que ces journaux ont un équilibre financier tellement délicat, ils dépendent de vente de produits dérivés tout en essayant de prendre des positions, donc c’est un vrai dilemme. Que faire ? […] Il pourrait arriver que certaines structures muséales fassent une sorte de black out par rapport à une revue si jamais elle voulait à la fois publier des hors série et prendre des positions trop importantes négatives.
(Homme, 40 ans, rédacteur en chef d’un magazine artistique, octobre 1996)

2/25/2014

criticavit abbé Jean-Baptiste Du Bos, 1719


« Puisque le premier but de la poësie & de la peinture est de nous toucher, les poëmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu’ils nous émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être excellent a tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point & qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve pas à reprendre des fautes contre les règles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut estre un ouvrage excellent.
[…]
« Monsieur [Boileau] Des préaux se fonde sur cette raison pour avancer que la plûpart des Critiques de profession qui supléent par la connoissance des règles à la finesse du sentiment qui leur manque bien souvent, ne jugent pas aussi sainement du merite des ouvrages excellents que les esprits du premier ordre en jugent sans avoir étudié les regles autant que les premiers.
[…]
« L’Amour tyranique de Scuderi est demeuré au nombre des mauvaises pièces malgré la Dissertation de Sarrazin. Tous les raisonnements des Critiques ne sçauroient persuader qu'un ouvrage plaise lorsqu'on sent qu'il ne plaist pas, comme ils ne peuvent faire acroire que l'ouvrage qui interesse, n'interesse pas. »

Abbé Jean-Baptiste Du Bos (1670-1742), Réflexions critiques sur la poësie et la peinture, 1719

Peinture de Gérard de Lairesse (1641-1711), Allégorie des cinq sens, 1668, Glasgow Museum

2/24/2014

"Teach Art" by Stephen Kaltenbach (*1940)


Collection privée, aluminium, 10 x 10 x 45 cm (s. d.)


[…]
Stephen Kaltenbach […] When I first got to New York I showed a friend of mine a specific group of my own work; we were working with the same materials and generally the same approach. I came to his studio about three months later and I saw a lot of my pieces around, all done his way, much bigger and much better. Of course at first I felt the whole thing artists feel when they think someone else is taking their work. Then I realized it was a sort of compliment. He liked my work well enough to extend it. It seemed ludicrous to be uptight about it. That suggested the possibility of trying to do my work through other people […] I felt I was really doing work, and it occurred to me that this was another way to escape my own taste, by taking a principle I was working with and channeling it through someone else.
P[atrica] N[orvell]: Are you publicizing any of this?

SK: “It is potentially loaded ego-wise, and I’m not into causing anybody any uptightness or feelings that I’m trying to get credit for what they did […] Since then I’ve gone on to other things. I’m into what I call teach-art now, with my students. It’s the more traditional way of doing the same thing, and in a sense it’s more logical and less specific because I’m trying not to give them my ideas but to push them to get their own ideas. But again I can accept that as my work. Because anything can be your work, anything you feel, anything you can imagine. Teaching art is one way of expressing myself. It is a two-way thing. I get a lot of ideas from my students and the exchange clarifies my own ideas.
PN: On what grounds does an observer judge, evaluate your work?

SK: The idea can be evaluated. Nothing else can. People are accepting the possibility that you can’t criticize this kind of work, and as a result the really imaginative art critics are into passing out information rather than making their own value judgments. In a sense, they are really becoming artists. In fact, just living could really be a valid means, for an artist to express himself.
[…]

Lucy R. Lippard, Six Years: The Dematerialization of the Art Object from 1966 to 1972..., Berkeley: University of California Press, 1997 (Originally published in 1973), p. 86-87 [htpp://www.rae.com.pt/Lippard.pdf]




After a poster by Lawrence Weiner for Printed Matter, 1991

“That phrase is advertising a particular means with which you can go through life, it doesn’t tell you that if you don’t learn to read art you’re going to be fined, it just says: Learn to Read Art. I don’t see that as an imperative. All artists are attempting to communicate, in whatever form, and if you can learn to read that form then you can either accept it or reject it. If you can’t read it, then it doesn’t mean shit to you."
"L. W. by Marjorie Welish", Bomb Magazine, n° 54, 1996 [http://bombmagazine.org/article/1911/lawrence-weiner]

* * * *

Jean-Luc Godard dixit :
[...] Souvent, des jeunes garçons viennent me voir. Ils veulent savoir comment faire pour devenir metteur en


J.-L.G., Documents, Paris, Centre Pompidou, 2006


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Gilles Deleuze dixit :


"Le mouvement du nageur ne ressemble pas au mouvement de la vague ; et précisément, les mouvements du maître-nageur que nous reproduisons sur Ie sable ne sont rien par rapport aux mouvements de la vague que nous n'apprenons à parer qu'en les saisissant pratiquement comme des signes. C'est pourquoi il est si difficile de dire comment quelqu'un apprend : il y a une familiarité pratique, innée ou acquise, avec les signes, qui fait de toute éducation quelque chose d'amoureux, mais aussi de mortel. Nous n'apprenons rien avec celui qui nous dit : « fais comme moi ». Nos seuls maîtres sont ceux qui nous disent « fais avec moi », et qui, au lieu de nous proposer des gestes à reproduire, surent émettre des signes à développer dans l'hétérogène. En d’autres termes, il n’y a pas d’idéo-motricité, mais seulement de la sensori-motricité. Quand le corps conjugue ses points remarquables avec ceux de la vague, il noue le principe d’une répétition qui n’est plus celle du Même, mais qui comprend l’Autre, qui comprend la différence, d’une vague et d’un geste à l’autre, et qui transporte cette différence dans l'espace répétitif ainsi constitué. Apprendre, c’est bien constituer cet espace de la rencontre avec des signes, où les points remarquables se reprennent les uns dans les autres, et où la répétition se forme en même temps qu’elle se déguise. Et il y a toujours des images de mort dans l’apprentissage, à la faveur de l’hétérogénéité qu’il développe, aux limites de l’espace qu’il crée" 

Différence et répétition, Paris, 1968


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Rainer Ganahl
Strange Teaching


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Luis Camnitzer, A Museum Is a School, 2011– . Site-specific installation, media variable, overall dimensions variable. Proposal rendering, digital photomontage. Solomon R. Guggenheim Museum, New York, Gift of the artist in honor of Simón Rodriguez on the occasion of the Guggenheim UBS MAP Global Art Initiative 2014.59. Photo: Courtesy the artist and Alexander Gray Associates

 Luis Camnitzer, 2011

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Résultat de recherche d'images pour "ni arte ni educación logo"

Les critiques d’art contemporain, Petit monde éditorial et économie de la gratuité Contemporary Art Critics / The Small World of Art Magazines in the Free-of-Charge Economy, par Pierre François & Valérie Chartrain, 2009



"Les résultats que nous avons mis au jour sont susceptibles d’être replacés dans trois perspectives complémentaires. D’abord celle, empirique, de la compréhension de phénomènes à l’œuvre au sein du monde de l’art contemporain, et plus particulièrement quant à l’activité critique. Nous avons en effet montré que, parce que le niveau de rémunération des critiques est faible, le temps où les critiques se consacrent exclusivement à cette activité d’écriture est très court. La critique d’art fonctionne donc, de facto, comme un sas d’entrée au sein du monde de l’art. Et nous avons vu que si le niveau de rémunération des critiques est faible, c’est avant tout en raison de la morphologie éditoriale de la critique, elle-même engendrée et reconduite dans sa stabilité par la forme des carrières des critiques. Nous avons en effet montré que cet écosystème de la gratuité était d’une remarquable stabilité. Dès lors s’ouvre nécessairement une interrogation, à laquelle nous ne sommes malheureusement pas en mesure de répondre : ce système a-t-il vu le jour récemment, ou s’est-il imposé lorsque le système marchand-critique a supplanté le Salon dans la fabrique de la valeur des œuvres d’art et dans l’organisation de leur circulation ?"

plaidoyer in extremis pour une zététique, par jean-charles agboton-jumeau, 2010


 extrait :


1.1 Dénégation et/ou foutaises : tel est le double-bind auquel le discours académique (de l’AERES) voudrait assujettir la recherche en école d’art. Face à ce dilemme qui n’a de cornélien que sa version édulcorée par l’Education nationale, il y a bien une alternative, fût-elle précisément intrinsèque au champ de l’art. De fait, elle est de part en part réflexive et partant, autocritique autant qu’autocratique. En cela, elle se refuse délibérément à faire l’économie de son propre inconscient (linguistique), de sa propre absence à elle-même, de sa déraison, de son incommunicabilité ou de son ésotérisme. On ne s’étonnera donc pas que cette alternative au double-bind des discours unilatéralement transitifs – i.e. objectifs ou normatifs –, se sente davantage concernée par la psychanalyse que par certaines histoire et philosophie (de l’art) académisantes. Car, de même l’enseignement artistique de même par exemple, l’enseignement d’un Lacan : « Je ne pense pas vous livrer mon enseignement sous la forme d’un comprimé, ça me paraît difficile. On fera peut-être ça plus tard, c’est toujours comme ça que ça finit […] Au premier abord, la psychanalyse est-elle purement et simplement une thérapeutique, un médicament, un emplâtre, une poudre de perlimpinpin ? Tout ça qui guérit. Pourquoi pas. Seulement, la psychanalyse, ça n’est absolument pas ça.13 »

1.1.1 Mutatis mutandis, à quiconque demanderait :
De prime abord, (l’enseignement de) l’art, est-ce purement et simplement loisir, activité dominicale, culture & tourisme, confettis ou poil à gratter, bref tout ça qui divertit ?
on répondra :
Hélas l’art, tout en étant ça, pourquoi pas – ça n’est pas ça ; c’est même, et plus et moins que ça.



criticavit Lafont de Saint-Yenne, 1747


« Je viens à la fin de votre Lettre, & au dernier reproche qui m’a été fait, d’avoir gardé l’Incognito. L’on s'est efforcé, dites-vous, de jetter un caractére odieux sur toute Critique anonime. La singularité de ce reproche ne m’a pas moins étonné que celle du Paradoxe que j’ai combattu ci-dessus. Non-seulement je ne me crois pas coupable de ne m’être point nommé, mais je pense encore avec un de nos plus grands Ecrivains, qu’il n’est jamais permis à qui que ce soit de le faire, quelque modeste & quelque équitable que soit la Critique. N’est-ce pas défier le Public, & lui dire hardiment que l’on ne craint point la censure des décisions que l’on publie, dès que l’on ose se montrer à visage découvert ? Et d’ailleurs quelle autorité auroit pû donner à ma Critique le nom d’un inconnu ? Si mes remarques sur les défauts des Ouvrages exposés sont vraïes, qu’importe de quelle part vienne la vérité à ceux qui la désirent ? Si elles sont fausses, elles ne méritent que du mépris, venant surtout d’un Anonime. En me nommant, n’aurois-je pas affiché l’envie de tirer de la vanité & de la réputation de ma Critique ; & j’ai déclaré dans mes Réflexions que je renonçais à cette frivole gloire, en exposant en peu de mots les motifs qui m’ont déterminé à les écrire, & que je vais vous dire ici un peu plus au long […]

Peu idolâtre de l’encens du Public, dont j’ai pesé il y a long-tems la fumée, je suis aujourd’hui plus convaincu que jamais de l’erreur de ceux qui dans un état privé & sans nécessité, sacrifient au zèle pour la Patrie, & au vain nom d’homme d’esprit & de goût, les deux seuls biens dignes à mon gré de leur ambition, la tranquillité, & l’indépendance. Trésors précieux & divins ! mais dont les hommes ignorent le prix. Je dis la tranquillité, parce qu’il n’est plus de repos pour un homme qui espère follement satisfaire le Public, en répondant à ses Critiques. Si j’ajoute l’indépendance, c’est que tout Auteur porte les fers de la bizarrerie de ce Public & de sa malignité. Je viens de l’éprouver à l’occasion de ce petit Ouvrage… »

"Anonime", alias Étienne La Font de Saint-Yenne (1688-1771), Lettre de l'Auteur des REFLEXIONS sur la Peinture, & de l'examen des Ouvrages exposés au Louvre en 1746, 1747

  


Réflexions sur quelques causes de l'état présent de la peinture en France avec un examen des principaux ouvrages exposés au Louvre le mois d'août 1746, 1747



2/23/2014

criticavit abbé Du Bos (Jean-Baptiste), 1719



« Puisque le premier but de la poësie & de la peinture est de nous toucher, les poèmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu’ils nous émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être excellent a tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point & qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve pas à reprendre des fautes contre les règles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut estre un ouvrage excellente.

[…]

« Monsieur [Boileau] Des préaux se fonde sur cette raison pour avancer que la plûpart des Critiques de profession qui supléent par la connoissance des règles à la finesse du sentiment qui leur manque bien souvent, ne jugent pas aussi sainement du merite des ouvrages excellents que les esprits du premier ordre en jugent sans avoir étudié les regles autant que les premiers.

[…]

« L’Amour tyranique de Scuderi est demeuré au nombre des mauvaises pièces malgré la Dissertation de Sarrazin. Tous les raisonnements des Critiques ne sçauroient persuader qu'un ouvrage plaise lorsqu'on sent qu'il ne plaist pas, comme ils ne peuvent faire acroire que l'ouvrage qui interesse, n'interesse pas. »

Abbé Jean-Baptiste Du Bos (1670-1742), Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, 1719

Tableau de Gérard de Lairesse (1641-1711), Allégorie des cinq sens (1668), Glasgow Museum

"... cela ne s'apprend pas, cela se prend", par jean-charles agboton-jumeau (mars 2015)


criticavit abbé Jean-Bernard Le Blanc, 1747


« La critique est une médecine dont rien ne sauroit corriger l’amertume, & ceux qui en ont le plus besoin sont ceux qu’elle révolte le plus. Amicus Plato, magis amica veritas, disoit un ancien : quand on peut se rendre le même témoignage, on est suffisamment justifié aux yeux des honnêtes gens. »
[…]
« Il ya même, il faut l’avouer, dans ces sortes d’ouvrages où l’on ose apprécier le mérite des autres, un air de vanité qui aigrit la bile de ceux que l’on censure. Mais il est un moyen bien aisé de ne pas donner prise de ce côté-là, c’est de garder l’anonime
[…]
« Voilà, Monsieur, ma raison véritable pour ne vouloir pas être connu : Vous verrez cependant que si je veux garder l’anonime, ce n’est pas pour en abuser. L’amour du vrai, l’amusement du Public, l’avancement des Arts, la gloire de ceux qui les professent avec distinction : Voilà tout ce que je me suis proposé dans cette Lettre. Pour y contribuer autant qu’il est en moi, je veux me cacher avec plus de soin que ces vils Auteurs de Libelles & de Satyres n’en apportent à couvrir leur iniquité, eux dont le talent se borne à prouver la dépravation de leur cœur, & qui néanmoins par leur indiscrétion, force le ministère à punir l’abus qu’ils font du peu d’esprit que la nature leur a donné. Loin d’avoir le dessein odieux de critiquer & de rabaisser le mérite d’aucun Membre de l’Académie de Peinture, je voudrais pouvoir rendre justice aux uns, sans courir le risque de déplaire aux autres. »

Abbé Jean-Bernard Le Blanc (1707-1781), Lettre sur l’expositiondes ouvrages de peinture, sculpture, &c. de l’année 1747. Et en général sur l’utilité de ces sortes d’Expositions, Paris, 1747.

Portrait de l'abbé Le Blanc (Salon de 1747), par Maurice Quentin de la Tour (1704-1788), Saint-Quentin, musée Antoine Lécuyer.




[to be continued]

2/22/2014

january 5-31, 2009 (ad)


january 5-31, 2009




January 5-31, 2009

Catalogue d’exposition, Cherbourg-Octeville, École Supérieure des Beaux-Arts,
 janvier 2009 ; Commissaire d’exposition : Jean-Charles Agboton-Jumeau
[236 pages], reliure spirale, couverture cartonnée, impression noir & blanc, 21 x 20 cm
January 5-31, 2009 est un hommage à la célèbre exposition de Seth Siegelaub, January 5-31, 1969

Teaching Art in the Neoliberal Realm, Realism versus Cynism (P. Gielen & P. De Bruyne, eds.), 2012


Excerpts:

"Teaching Art in the Neoliberal Realm, Realism versus Cynism is a collection of essays and one interview, divided up into three parts. The first, 'Neoliberalism and the Loss of School' offers a critical analysis of the effects of neoliberalism on art education [...] The second part, 'Dealing with the Past, Opportunities of the Present', illustrates that we should'nt romanticize the history of art academy [...] Finally, the third part, 'Teaching Art and the Essence of the Quest', focuses on effective escape routes." [...] The undercurrent is already there. Disobedience is possible, desirable, and pleasant - and it is a very effective pedagogical tool."
P. Gielen & P. De Bruyne, Introduction. The Catering Regime.


"This 'dismeasure' of art, however, runs contrary to the aforementioned need for calculation and control. In short, the welding together of theory and practice to an excellent artistic praxis relies on intimacy, informality and dismeasure. The current (re)organization of educational space with its obsession with measure, on other hand, tends more towards formality and calculable art."
P. Gielen, Artistic Praxis and the Neo-liberalization of the Educational Space.


"R.S [Richard Sennett] : Actors that support each other are evaluated positively. With music it's nothing but that. There aren't arcane judgments. And not in the sciences either. If you set up a scientific laboratory and somebody doesn't want to contribute to it, that's a judgment on their value. Once we get into the kind of regime you're talking about, neoliberalism prevails. And then all this stuff goes missing, the teachers are suspected of being subjective. Capitalists hate subjectivity. They seem never to have heard of Comte's famous dictum that judgment is a matter of experience rather than counting. It's just something to resist. I'll tell you what's happening in Britain. The more these kind of capitalist-minded regulators of school have taken over, the more people, when they really want their kids to learn something, are doing it outside the framework of the school itself. We're seeing it in arts education, we're seeing it in science and math education for young people. The ways of educating people in schools are so rigid that many parents have figured out that this is not practical. It tends towards this mediocre mean of multiple choice tests and so on. There's a huge industry of afterschool teaching in London, and maybe you'll see it that happening in the Netherlands as well." 
P. Gielen, B. van Heusden, A Plea for Communalist Teaching, An Interview with Richard Sennett.


"The teachers don't know what they are looking for either. They too enter partly unchartered territory [...]
The impossibility of a dialogue between artistic teachers and administrators has resulted in the appointment of a growing number of mediators over the past few decades. This is the deeper cause of the growth of middle administration and the total bureaucratization of the drama school [...]
Students want the very opposite of what managers and market-oriented education have to offer. They want danger, discomfort, trauma, grime, spirituality, intuitive surrender, and all that. In short, students want the master. Though it may be on a very unconscious level, they think of master-apprentice relationships, of intense work in rehearsal rooms, of exploratory behaviour, of artistic and art educational innovations that are rooted in a centuries-old tradition, of meaningful encounters with teachers."
P. De Bruyne, Students, Teachers and their Managers in the Drama School.

"Cours minimal sur la poésie contemporaine" : interview de julien blaine par jcaj (à propos de l'enseignement de la poësie contemporaine, inter alia), novembre 2011




Extrait

Jean-Charles Agboton-Jumeau : Si je te suis bien, ergo : en matière de poésies visuelle, sonore, action et autres performances, l’université est en tout état de cause disqualifiée ?

Julien Blaine : Procédons par ordre ; ces poésies ne sont :
Jamais enseignées dans les écoles primaires
Jamais dans les collèges
Jamais dans les lycées

Quelque fois dans les écoles des beaux-arts avec une grande confusion et une énorme méconnaissance entre les diverses origines de la performance
- celle qui vient du Pop Art
- celle qui vient du happening
- celle qui vient de la chorégraphie
- celle qui vient du politique : révolte individuelle et démonstrative contre l’ordre établi, les impérialismes ou l’hégémonie...
- celle qui vient des pays de l’Est où c’est désormais une discipline dominante (Hongrie, Pologne, ex-Tchécoslovaquie, ex-Yougoslavie, Roumanie, Bulgarie, etc.)
- celle qui vient des pays asiatiques enthousiaste, dominante et dynamique (Nippon International Performance FestivalNipaf – qui a essaimé partout en Asie à partir de Nagano, la ville du fondateur Seiji Shimoda, au Japon y compris en Chine...)
- celle qui vient de la poésie et donc des avant-gardes historiques qui ont toutes étaient inventées par des poètes (futurisme, cubisme, Dada, surréalisme, Cobra, etc.)

Rarement dans les universités à part quelques très rares enseignants comme Jean-Pierre Bobillot, surtout pour la poésie sonore, Jean-Marie Gleize, surtout pour les suites pongiennes, Claude Debon pour tout ce qui vient de Guillaume Apollinaire ou y retourne, Montserrat Prudon-Moral grâce à sa passion pour les mouvements poétiques en Catalogne, Arlette Albert-Birot comme son nom l’indique, veuve du poète cubiste Pierre Albert-Birot ; je crains – hélas – de n’en avoir oublier aucun...
Mais paradoxalement elle est présente dans la quasi totalité des dictionnaires de poésie et la plupart des anthologies.
Et dans beaucoup d’albums sur l’histoire de l’art.
Et, depuis une dizaine d’années quelques jeunes thésards commencent à développer des recherches sur ces mouvements.

[…]

: art


": art", after I. Baxter, Y. Klein, R. Rauschenberg, G. Brecht, J. Baldessari, R. Barry, G. Beery, M. Bochner, F. Barthelme, J. Valoch, D. Kamperelite, lefevre jean claude, Henry Flynt

"Un autre visible", interview de Jean-Louis Leutrat par jean-charles agboton-jumeau, février 2010



Extrait

Jean-Charles Agboton-Jumeau - De nos jours me semble-t-il, y compris dans les domaines qui nous concernent ici, tout le monde paraît obnubilé par la visibilité : ainsi, l’AERES s’en prévaut sans aucun complexe ; explicitant le « critère n° 2 » de la grille de «notation multicritères des unités de recherche » qu’elle a élaborée, elle dit : « Cette notation prend en compte la notoriété, la visibilité, l’attractivité du laboratoire ou de l’équipe et de ses membres. » Bibliométries, médiamétries et autres "indices de performance" ou Benchmarking largement inspirés du marketing managérial, me semblent échantillonner à l’envi cette hystérie de la surexposition. Or, écrivez-vous page 90 de votre dernier ouvrage par exemple, « Il y a dans ce film "des choses vues sans vision", et un dédoublement de l’espace, des êtres, du mouvement ("décollé de lui-même"). Tout se dédouble dans la représentation et dans un Dehors qui n’est pas de l’ordre du visible – ou alors, il l’est d’un autre visible. » La vocation de tout artiste me semble être en effet, de parvenir un jour ou l’autre à cette perception sans vision, de la même manière au fond que Mallarmé disait que « la littérature, d’accord en cela avec la faim, consiste à supprimer le Monsieur qui reste en l’écrivant. Celui-ci que vient-il faire, au vu des siens, quotidiennement ? » Ne croyez-vous pas que l’université cultive désormais une sorte d’agoraphobie à l’endroit de ce Dehors et, enfin, en quoi selon vous cet autre visible travaille tout pédagogue, quel que soit l’objet de son enseignement ?

Jean-Louis Leutrat - Je ne puis qu’être d’accord avec ce que vous dites. Ne confondons surtout pas le visible et la visibilité. La visibilité comme le partenariat (ou l’attractivité) est un autre mot magique : toujours Le Monde du 13 janvier évoquant une structure « petite, isolée et en quête de visibilité »... Qu’est-ce que cela signifie « la notoriété, la visibilité, l’attractivité du laboratoire ou de l’équipe et de ses membres » ? Tout ce vocabulaire est hautement révélateur. Laboratoire : où utilise-t-on ce mot, sinon dans les sciences dures ? Equipe : j’ai dit tout à l’heure que le travail dans nos domaines était avant tout individuel. On peut évoquer la visibilité d’un Van Gogh de son vivant, et combien d’exemples pourrait-on donner... Et comme vous dites : qu’est-ce que cette hystérie de la surexposition ? Que des universitaires s’en fassent les propagateurs, cela montre bien où nous en sommes. Je ne veux pas revenir sur cette institution nommée AERES, mais, que voulez-vous, elle correspond à l’air du temps, aux idées reçues diffusées quotidiennement dans la presse et par d’autres voies, pour tout dire au consensus de la société médiocre qui est la nôtre. Il fut un temps où l’on disait : « quand j’entends le mot culture je sors mon revolver » (ce pourrait être aussi bien le mot intellectuel). Cette violence n’est plus nécessaire. Le mépris de l’intellectuel, l’inutilité de la culture sont devenus des banalités. Le mot ‘’universitaire’’ lui-même est devenu péjoratif (qualifier ainsi un livre, c’est dissuader de l’acheter). Voyez également comment le mot ‘’artiste’’, lui aussi, est galvaudé aujourd’hui. On devrait faire une étude sur les mots magiques, sur les glissements de sens, sur les connotations attachées aujourd’hui à certains mots, sur les basculements qui s’opèrent ainsi du positif au négatif... Il est clair que les membres de l’AERES ne sont pas travaillés par un autre visible ou par la pensée du Dehors (qu’est-ce que c’est que ça ?)

[...]

2/21/2014

loveBEBORNdie [or "why don’t we do it in the road"], an ongoing art school project by jcaj & others


click below


Paris, Le mur Saint-Martin, été 2009


Commentaire involontaire, postérieur de 3 ans à lBBd (ci-dessus) :

"Many other forms of performative knowledge could be cited as examples, such as the temporary establishment of the Saint-Petersburg Street University in 2008, immediately following the closure of the European University due to a supposed violation of security regulations. The Street University is organized by unemployed European University academics, by the same school's students and by the Russian artistic collective Chto Delat/What is to be done? who decided to go into the streets to hold their lessons. They are all united by the desire to define an alternative field of production and distribution of critical knowledge. Also, given the insurrectional character of the circumstances, they have retrieved the street debat and theatrical protest action as forms of learning and cognitive production.  In this case, yet again - as in the preceding cases or as in the case of the didactic interventions on the part of the Brazilian group Contrafilè - we find a situational production of knowledge that derives from the concrete nature of situations and in a self-organizing form in which person is simultaneous student, teacher, and administrator. Thus, just as there are no assigned roles, neither there are any specified spaces or privileged moments for this type of performative knowledge."

Marco Scotini, "The Disobedient Class, Bottom-up Academies and Affirmative Education", in Teaching Art in the Noeliberal Realm, Realism versus Cynicism, Pascal Gielen & Paul De Bruyne eds., Amsterdam, Valiz, 2012, p. 196.

« O Canada » versus « – NADA » (ou Joyce Wieland versus Laurent Marissal)

2/20/2014

criticavit Marmontel, 1765



«Est-ce à la froide raison à guider l’imagination dans son ivresse ? Le goût timide & tranquille viendra-t-il lui présenter le frein ? O vous qui voulez voir ce que peut la Poésie dans sa chaleur & dans sa force, laissez bondir en liberté ce coursier fougueux ; il n’est jamais si beau que dans ses écarts ; le manége ne feroit que rallentir son ardeur, & contraindre l’aisance noble de ses mouvemens : livré à lui même, il se précipitera quelquefois ; mais il conservera, même dans sa chûte, cette fierté & cette audace qu’il perdroit avec la liberté. Prescrivez au sonnet & au madrigal des regles gênantes ; mais laissez à l’épopée une carriere sans bornes ; le génie n’en connoît point : c’est en grand qu’on doit critiquer les grandes choses, il faut donc les concevoir en grand, c’est-à-dire avec la même force, la même élevation, la même chaleur qu’elles ont été produites. Pour cela il faut en puiser le modele, non dans les beautés de la nature, non dans les productions de l’art, mais dans l’un & l’autre savamment approfondies, & sur-tout dans une ame vivement pénétrée du beau, dans une imagination assez active & assez hardie pour parcourir la carriere immense des possibles dans l’art de plaire & de toucher.

L’esprit faisant alors ce qu’on nous dit d’Apelle, se forme d’une multitude de beautés éparses un tout idéal qui les rassemble. C’est à ce modele intellectuel au dessus de toutes les productions existantes, qu’il rapportera les ouvrages dont il se constituera le juge. Le critique supérieur doit donc avoir dans son imagination autant de modeles différens qu’il y a de genres. Le critique subalterne est celui qui n’ayant pas de quoi se former ces modeles transcendans, rapporte tout dans ses jugemens aux productions existantes. Le critique ignorant est celui qui ne connoît point, ou qui connoît mal ces objets de comparaison. C’est le plus ou le moins de justesse, de force, d’étendue dans l’esprit, de sensibilité dans l’ame, de chaleur dans l’imagination, qui marque les degrés de perfection entre les modeles & les rangs parmi les critiques. Tous les Arts n’exigent pas ces qualités réunies dans une égale proportion ; dans les uns l’organe décide, l’imagination dans les autres, le sentiment dans la plûpart ; & l’esprit qui influe sur tous, ne préside sur aucun.

Nous savons qu’il est des amateurs versés dans l’étude des grands maîtres, qui en ont saisi la maniere, qui en connoissent la touche, qui en distinguent le coloris : c’est beaucoup pour qui ne veut que joüir, mais c’est bien peu pour qui ose juger : on ne juge point un tableau d’après des tableaux. Quelque plein qu’on soit de Raphael, on sera neuf devant le Guide. Bien plus, les Forces du Guide, malgré l’analogie du genre, ne seront point une regle sûre pour critiquer le Milon du Puget, ou le Gladiateur mourant. La nature varie sans cesse : chaque position, chaque action différente la modifie diversement : c’est donc la nature qu’il faut avoir étudiée sous telle & telle face pour en juger l’imitation. Mais la nature elle-même est imparfaite ; il faut donc aussi avoir étudié les chefs-d’oeuvre de l’art, pour être en état de critiquer en même tems & l’imitation & le modele.»

Jean-François Marmontel (1723-1799), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, art. « critique », 1765

Portrait de Marmontel par Alexander Roslin (1718-1793), 1767, Paris, Musée du Louvre